Unité 5 : Les écrits littéraires et professionnels

TD 2 : c-Le champs lexical 

Objectif : -Identifier le champ lexical à partir de plusieurs textes.

1.Qu’est-ce qu’un champ lexical : Le champ lexical regroupe les mots qui se rapportent à une même idée, à un même domaine voire à un même concept.

Dans un texte, ces mots peuvent aider à comprendre le sujet traité et comment il est traité. L’analyse des champs lexicaux permet de construire le sens d’un texte.  Plus le champ lexical comporte d’éléments, plus, il représente un thème dominant du texte ou une symbolique importante.

Exemple : supposons que l’on ait rencontré les mots suivants dans un texte rédigé à la gloire du soleil : été... vacances... chaleur... rayons... lumière... liberté... camping... nature... verdure... fleurs...  lac... pêche... coucher de soleil... … ; on pourrait les regrouper autour des notions de chaleur, de liberté, de nature. 

Un champ lexical est un ensemble de mots qui se rattachent à une même réalité dont parle le texte ; celle-ci en est le thème. Dans l’exemple ci-dessus, tous les mots peuvent être reliés d’une façon ou d’une autre, comme on le voit dans le schéma, au soleil. Ils constituent ici le champ lexical du thème du soleil.

Ex : le passage suivant tiré d’un poème de Saint-Denys Garneau ; les mots mis en gras forment un champ lexical exprimant le malaise du poète :

Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise

 Et mon pire malaise est un fauteuil où l’on reste

Immanquablement je m’endors et j’y meurs.

                              Des écologistes ont lancé un cri d'alarme.
- Des écologistes ont envoyé un cri d'alarme., « Regards et jeux dans l’espace », 1937

Tous ces mots contribuent à dire l’inconfort du poète ; ils constituent ainsi un champ lexical établissant le thème de l’inconfort. Quelques-uns sont synonymes : notons malaise et pas bien qui désignent l’inconfort lui-même ; chaise et fauteuil qui signalent un lieu où se manifeste l’inconfort. D’autres ont une proximité de sens par les connotations qu’ils évoquent ; c’est le cas de assis et reste évoquant l’immobilité physique, de m’endors et meurs renvoyant à l’inertie[1] de la conscience.

 2. Comment identifier un champ lexical ?

  • En repérant les mots qui reviennent le plus souvent dans une séquence, notamment les noms, les adjectifs, les verbes (ainsi que leurs sujets et leurs compléments) ;
  • En recherchant des rapports de sens entre les mots, par exemple : ces mots expriment la peur, l’étonnement, la joie, décrivent un paysage…
  • Les mots qui forment un champ lexical peuvent être des synonymes (ce film est excellent, remarquable, magistral/ les écologistes ont lancé (ont envoyé) un cri d’alarme), des mots de même famille (ex : lire, livre, lecture) ou ayant un rapport de sens étroit (titre, préface, page, couverture, impression, etc) .
  • Pour comprendre la portée d’un champ lexical, demandez-vous ce qu’il apporte au propos du texte, comment il se combine aux autres champs lexicaux, quel est son degré d’importance dans le texte, etc.

3.Du Champ lexical à l’idée :

 Les champs lexicaux peuvent englober des sous-champs auxquels se rattachent des sous-thèmes. Par exemple, dans les huit mots ou expressions en gras dans ces vers, on peut distinguer deux sous-champs. D’un côté, quatre mots s’associent au sous-thème de l’immobilité physique : deux la désignent, assis et reste ; deux mots concrétisent un lieu de cette immobilité, chaise et fauteuil. D’un autre côté, deux mots énoncent les conséquences néfastes du malaise du poète : m’endors et meurs ; c’est le sous-thème de l’immobilisme de l’esprit. • À partir des sous-champs lexicaux repérés, il est possible de construire une idée qui énonce le lien entre le champ lexical dominant qui forme le thème et les sous champs qui en constituent le propos. Une idée est, en effet, l’association obligatoire d’un thème, qui indique de quoi on parle, et d’un propos, qui indique ce que l’on dit du thème.

Exemple : La lecture (thème) est une activité intéressante (propos introduisant deux sous-thèmes : activité et intérêt).

- Ainsi, on pourrait formuler l’idée exprimée dans les trois vers en réunissant le champ lexical et les sous-champs dans l’énoncé suivant : le malaise de l’auteur (champ lexical – thème) [est illustré par l’immobilité dans un fauteuil (sous-champ – sous-thème), signe de l’immobilisme de l’esprit (sous champ – sous-thème)] (propos).

3.1. Comment identifier les sous thèmes :

Un lecteur qui recherche l’idée qui caractérise un passage d’un texte, doit porter attention aux mots pour :

  • • D’abord repérer le champ lexical principal qui traverse le passage et nommer le thème qui réunit tous les mots de ce champ lexical ;
  • • Ensuite regrouper les mots qui déterminent des sous-champs lexicaux et dégager les sous-thèmes ;
  • • Enfin énoncer, dans une phrase, le lien qui unit le thème (le champ lexical) et les sous-thèmes (les sous-champs) et qui constitue le propos.

Applications :

Activité 1 : Repérez le champ lexical dans les textes ci-dessous, en regroupant les mots selon leur nature grammaticale.

Texte1 : «SCAPIN - Bon. Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement, comme si c'était à lui-même. Comment, pendard, vaurien, infâme, fils indigne d'un père comme moi, oses-tu bien paraître devant mes yeux, après tes bons déportements, après le lâche tour que tu m'as joué pendant mon absence ? Est-ce là le fruit de mes soins, maraud ? Est-ce là le le fruit de mes soins ? Le respect qui m'est dû ? Le respect que tu me conserves ? Allons donc. Tu asl’insolence, fripon, de t'engager sans le consentement de ton père, de contracter un mariage clandestin ? Réponds-moi, coquin, réponds-moi. Voyons un peu tes belles raisons. Oh ! Que diable ! Vous demeurez interdit !

OCTAVE - C'est que je m'imagine que c'est mon père que j'entends. »

MOLIÈRE, Les Fourberies de Scapin (1671).

 

Texte 2 : « La mienne (de chambre) était vaste ; je sentis, en y entrant, comme un frisson de fièvre, car il me semble que j’entrais dans un monde nouveau. (…)

Une terreur insurmontable s’empara de moi, mes cheveux se hérissèrent sur mon front, mes dents s’entrechoquèrent à se briser, une sueur froide inonda tout mon corps.

(…) Oh ! non, je n’ose pas dire ce qui arriva, personne ne me croirait, et l’on me prendrait pour un fou. »

                                                                   Gautier, La Cafetière, 1831.

 Texte 3

« En face de lui, presqu’au niveau de la falaise, en pleine mer, se dressait un roc énorme, haut de plus de quatre-vingts mètres, obélisque colossal, d’aplomb sur sa large base de granit que l’on apercevait au ras de l’eau et s’effilait ensuite jusqu’au sommet, ainsi que la dent gigantesque d’un monstre marin. Blanc comme la falaise, d’un blanc gris et sale, l’effroyable monolithe était strié de lignes horizontales marquées par du silex, et où l’on voyait le lent travail des siècles accumulant les unes sur les autres les couches calcaires et les couches de galets.

Et tout cela puissant, solide, formidable avec un air de chose indestructible contre quoi l’assaut furieux des vagues et des tempêtes ne pouvait prévaloir. Tout cela, définitif, imminent, grandiose malgré la grandeur des remparts de falaises qui le dominait, immense malgré l’immensité de l’espace où cela s’érigeait. »

M. Leblanc, L’aiguille creuse, 1907

 

Texte 4

«Ce n'est donc pas, comme dans mes autres aventures, une simple capitulation plus ou moins avantageuse, et dont il est plus facile de profiter que de s’enorgueillir ; c'est une victoire complète, achetée par une campagne pénible, et décidée par de savantes manœuvres. Il n'est donc pas surprenant que ce succès, dû à moi seul, m'en devienne plus précieux ; et le surcroît de plaisir que j'ai éprouvé dans mon triomphe, et que je ressens encore, n'est que la douce impression du sentiment de la gloire. »

Choderlos de LACLOS, Les Liaisons dangereuses (1782).

 Texte 5

 « Plongé dans les malheurs

Loin de mes chers parents,

Je passe dans les pleurs

D'infortunés moments. »

Antoine GÉRIN-LAJOIE, Un Canadien errant (1839). 

Corrigé :

Activité 1 :

«SCAPIN - Bon. Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement, comme si c'était à lui-même. Comment, pendard[K1] , vaurien, infâme, fils indigne d'un père comme moi, oses-tu bien paraître devant mes yeux, après tes bons déportements[K2] , après le lâche tour que tu m'as joué pendant mon absence ? Est-ce là le fruit de mes soins, maraud[K3]  ? Est-ce là le fruit de mes soins ? Le respect qui m'est dû ? Le respect que tu me conserves ? Allons donc. Tu as l'insolence, fripon, de t'engager sans le consentement de ton père, de contracter un mariage clandestin [K4] ? Réponds-moi, coquin, réponds-moi. Voyons un peu tes belles raisons. Oh ! Que diable ! Vous demeurez interdit !

OCTAVE - C'est que je m'imagine que c'est mon père que j'entends. »

MOLIÈRE, Les Fourberies de Scapin (1671).

 

 

Champ lexical

Le champ lexical de la criminalité (pendard, vaurien, maraud, fripon, coquin) révèle le ton méprisant et hautain que prend Scapin envers Octave lorsqu'il joue le rôle du père de celui-ci.

Vocabulaire péjoratif

Le vocabulaire péjoratif exprime la fureur du père envers son fils.

Sens figuré

Au sens figuré, le mot fruit signifie «bénéfice». Par l’expression le fruit de mes soins, le locuteur met en évidence les efforts du père et l'ingratitude du fils.

 

 Texte 2

« La mienne (de chambre) était vaste ; je sentis, en y entrant, comme un frisson de fièvre, car il me sembla que j’entrais dans un monde nouveau. […]

Une terreur insurmontable s’empara de moi, mes cheveux se hérissèrent sur mon front, mes dents s’entrechoquèrent à se briser, une sueur froide inonda tout mon corps.

[…] Oh ! non, je n’ose pas dire ce qui arriva, personne ne me croirait, et l’on me prendrait pour un fou. »

T. Gautier, La Cafetière, 1831

Ce texte est une nouvelle fantastique. Le champ lexical principal est celui de la peur, de l’épouvante.

Noms : frisson, fièvre, terreur, sueur

Adjectifs : insurmontable, froide

Verbes : s’empara (de moi), (mes cheveux) se hérissèrent, (mes dents) s’entrechoquèrent, inonda (tout mon corps)

A la fin de ce passage apparaît un nouveau champ lexical développé dans la suite du texte, celui de la folie : l’on me prendrait pour un fou.

 

Texte 2

« En face de lui, presqu’au niveau de la falaise, en pleine mer, se dressait un roc énorme, haut de plus de quatre-vingts mètres, obélisque colossal, d’aplomb sur sa large base de granit que l’on apercevait au ras de l’eau et s’effilait ensuite jusqu’au sommet, ainsi que la dent gigantesque d’un monstre marin. Blanc comme la falaise, d’un blanc gris et sale, l’effroyable monolithe était strié de lignes horizontales marquées par du silex, et où l’on voyait le lent travail des siècles accumulant les unes sur les autres les couches calcaires et les couches de galets.

Et tout cela puissant, solide, formidable avec un air de chose indestructible contre quoi l’assaut furieux des vagues et des tempêtes ne pouvait prévaloir. Tout cela, définitif, imminent, grandiose malgré la grandeur des remparts de falaises qui le dominait, immense malgré l’immensité de l’espace où cela s’érigeait. »

M. Leblanc, L’aiguille creuse, 1907

 

Dans ce récit d’aventures, le narrateur décrit l’aiguille d’Etretat, un phénomène naturel qui ressemble à un pic rocheux qui s’élève sur la mer.

Le champ lexical principal est celui de la géologie : falaise, roc, obélisque, granit, monolithe, silex, couches, calcaire, galet.

On peut distinguer également deux champs lexicaux secondaires, essentiellement exprimés par des adjectifs.

L’immensité : énorme, colossal, gigantesque, imminent, grandiose.

L’indestructibilité : puissant, solide, formidable, indestructible, définitif.

 

Texte3

«Madame [...] vous ignorez l'étendue des dangers qui vous menacent. Je ne vous parlerai pas de l'incontestable authenticité des pièces, ni de la certitude des preuves qui attestent l'existence du comte Chabert. Je ne suis pas homme à me charger d'une mauvaise cause, vous le savez.

Si vous vous proposez à notre inscription en faux contre l'acte de décès, vous perdrez ce premier procès, et cette question résolue en notre faveur nous fait gagner toutes les autres.»

                                                                                    Honoré de BALZAC, Le Colonel Chabert (1832).

 

Le champ lexical composé de termes associés au langage des avocats met en lumière, de façon réaliste, la profession du personnage qui parle. L'emploi de tels termes contribue à donner à l'avocat plus de crédibilité aux yeux de sa destinataire, qu'il tente de convaincre.

Texte 4

«Ce n'est donc pas, comme dans mes autres aventures, une simple capitulation plus ou moins avantageuse, et dont il est plus facile de profiter que de s’enorgueillir ; c'est une victoire complète, achetée par une campagne pénible, et décidée par de savantes manœuvres. Il n'est donc pas surprenant que ce succès, dû à moi seul, m'en devienne plus précieux ; et le surcroît de plaisir que j'ai éprouvé dans mon triomphe, et que je ressens encore, n'est que la douce impression du sentiment de la gloire.»

Choderlos de LACLOS, Les Liaisons dangereuses (1782).

Le champ lexical militaire, employé ici pour décrire une conquête amoureuse, montre que le locuteur perçoit la séduction comme un véritable combat, qu'il faut savoir dominer jusqu'à la chute de l'opposant. D'ailleurs, le sentiment ressenti par l'amant vainqueur est un sentiment de «gloire» et non de bonheur. Ce champ lexical met le lecteur sur la piste d'une métaphore filée.

 

Texte 5

 

«Plongé dans les malheurs

Loin de mes chers parents,

Je passe dans les pleurs

D'infortunés moments.»

Antoine GÉRIN-LAJOIE, Un Canadien errant (1839).

 

 

Le champ lexical de la tristesse, formé de mots ayant une forte valeur affective, met en lumière la tonalité lyrique du poème.

 


 [K1]Personne qui mérite d'être pendue ; fripon, vaurien.

Pendue : Personne morte par pendaison ou qui s'est pendue.

 [K2]Mauvaise conduite ; dérèglements.

 [K3] drôle.

 [K4]

 

 

 

 

 

 

 



[1] Perte de la capacité de se mouvoir.

Modifié le: lundi 22 mai 2023, 10:05